Je ne vois pas pourquoi il y
aurait lieu de se féliciter de ce que des individus, déjà plus riches qu'il
n'est besoin, doublent la faculté de consommer des choses qui ne leur procurent
que peu ou point de plaisir, autrement que comme signe de richesse. [ ... ]
C'est seulement dans les pays
arriérés que l'accroissement de la production a encore quelque importance: dans
ceux qui sont plus avancés, on a bien plus besoin d'une distribution meilleure dont
la condition indispensable est une restriction du principe de la population. [
... ]
Il n'y a pas grand plaisir à
considérer un monde où il ne resterait rien de livré à l'activité spontanée de
la nature, où tout pouce de terre propre à produire les aliments pour l'homme
serait mis en culture ; où tout désert fleuri, toute prairie naturelle seraient
labourés; où tous les quadrupèdes et tous les oiseaux qui ne seraient pas
apprivoisés pour l'usage de l'homme, seraient exterminés comme des concurrents qui
viennent lui disputer sa nourriture ; où toute haie, tout arbre inutile
seraient déracinés ; où il resterait à peine une place où pût venir un buisson
ou une fleur sauvage, sans qu'on vînt aussitôt les arracher au nom des progrès
de l'agriculture.
John Stuart Mill, Principes d'économie
politique,
livre IV, chap 6, l"édition 1848.