iPhone: le téléphone aux 200 brevets attaque le marché américain

Christophe Guillemin, ZDNet.fr, 29/06/2007

 

      Après des mois d'une intense campagne marketing, le téléphone multimédia d'Apple est commercialisé aujourd'hui aux États-Unis dans les boutiques d'AT&T (opérateur exclusif) et les Apple Store. Quelque 2.000 vendeurs embauchés pour l'occasion par l'opérateur seront mobilisés, à travers 1.800 magasins dès 18 heures, quand les premières machines pourront être achetées.

      L'acheteur doit débourser 499 dollars pour le modèle disposant de 4 Go de capacité de stockage ou 599 dollars pour le modèle plus haut de gamme intégrant 8 Go. Comme le déplorent les premiers testeurs, cette capacité de stockage ne pourra être augmentée. L'iPhone ne possède pas de port  pour accueillir une carte d'extension mémoire. Tout détenteur de l'iPhone s'engage à deux ans d'abonnement auprès d'AT&T. Trois forfaits mensuels sont proposés de 60 à 100 dollars environ, en fonction des temps de communication voix. Mais le smartphone d'Apple servant également à se connecter au Net, consulter ses e-mails et à accéder à des contenus multimédias (notamment ceux de son service dédié YouTube), les trois abonnements incluent la réception et l'émission illimitées de données. Enfin, il faut ajouter 36 dollars de frais d'ouverture de ligne.

      L'iPhone est un smartphone, un appareil hybride baladeur/téléphone multifonction, qui permet de téléphoner, surfer sur le web, prendre et visionner des photos, d'écouter de la musique et de la vidéo. Jusqu'à présent, il a reçu un accueil favorable de la part des premiers testeurs, même s'il n'est pas sans défauts. À commencer par l'autonomie annoncée en mode voix, soit 8 heures, qui serait plutôt de 6 à 7 heures.

      Autre déception: la machine ne peut être ouverte par l'utilisateur. Impossible donc de changer la carte SIM, et le combiné ne pourra être prêté, par exemple, à un ami souhaitant l'essayer avec son propre forfait. Exit également la possibilité pour le propriétaire de changer lui-même de batterie lorsqu'elle arrivera en fin de vie. Comme pour l'iPod, le téléphone devra être ramené à Apple qui facturera l'opération au prix fort.

      Par ailleurs, le navigateur Safari embarqué n'est pas compatible avec Flash et Java, ce qui limitera la consultation de vidéos en ligne. Même s'il dispose d'un capteur de 2 millions de pixels, il ne permet pas d'enregistrer des vidéos. Il n'est pas non plus possible d'utiliser une chanson comme sonnerie.

      Tous saluent, en revanche, l'ergonomie exceptionnelle de l'iPhone, qui s'utilise uniquement au doigt sur l'écran tactile, sans stylet ni clavier. Même si une période d'adaptation est nécessaire avant d'atteindre un niveau de confort conséquent. L'écran est très large pour ce type de produit (9 centimètres de diagonale) et affiche une excellente qualité d'image, selon les premiers testeurs. Rappelons que l'affichage bascule automatiquement en format paysage lorsque le combiné est orienté à l'horizontal. Techniquement, Apple offre donc une «nouvelle expérience utilisateur», comme l'ont résumé plusieurs analystes. Son téléphone intègre une multitude d'innovations, parfois transparentes pour l'utilisateur, mais qui facilitent la navigation. Pour l'iPhone, Apple a déposé quelque 200 brevets.

      Alors qu'il fait son entrée sur le marché de la téléphonie mobile, Apple a choisi d'en enfreindre les règles. Comme avec ses autres produits, il entend garder un lien direct avec les acheteurs de l'iPhone. L'interface du téléphone est ainsi aux couleurs d'Apple, tandis que le logo d'AT&T, opérateur exclusif pour une durée de cinq ans, reste très discret. Rien à voir avec les pages d'accueil d'Orange, SFR ou Bouygues Telecom en France.

      Mais surtout, Apple a posé comme condition de disposer d'un compte iTunes Store pour activer l'appareil. Un compte qui servira pour facturer les éventuels futurs achats de musique ou de vidéos à transférer sur le téléphone. Pour ATT, cette stratégie ne pose pas de problème puisqu'il ne propose pas de plate-forme musicale; en revanche pour les opérateurs européens c'est un changement radical en terme de business.

      Habituellement, les opérateurs achètent des combinés, les vendent à leurs couleurs et assurent la facturation de l'ensemble des services, dont ils sont également les principaux fournisseurs. Dans le cas d'Apple, des contenus multimédias seront proposés et facturés par le fabricant du combiné, qui est également fournisseur de contenu. La firme de Steve Jobs écarte donc les opérateurs d'une partie de leur business traditionnel. Une stratégie qui doit indéniablement compliquer en Europe les actuelles négociations entre Apple et Orange ainsi que Vodafone, les deux opérateurs pressentis pour proposer l'iPhone fin 2007.

      Autre rupture de la part d'Apple: sa marge sur l'iPhone. La firme à la pomme a misé sur un équipement haut de gamme qui a nécessité beaucoup de recherche et de développement (200 brevets déposés). Mais à fabriquer, l'appareil coûterait pratiquement deux fois moins que son prix de vente - soit environ 245 dollars à produire dans sa version intégrant 4 Go de mémoire commercialisée 499 dollars, sans subvention.

      Habituellement, les opérateurs achètent en grand volume des combinés aux fabricants, avec l'objectif de les vendre ensuite le moins cher possible en les subventionnant. Mais pour le fabricant, les marges sont traditionnellement faibles, classiquement entre 5 et 20 % sur l'entrée et le milieu de gamme, et 30% sur le haut de gamme. Avec une marge de 50%, Apple devrait dégager entre 8 et 10 milliards de dollars de chiffre d'affaires sur l'activité mobile d'ici à la fin 2008, selon les prévisions de SIA Conseil.

      Dans le cadre de son étude "iPhone mythe ou révolution", le cabinet de conseil précise qu'Apple va générer des revenus sur les ventes du combiné (environ 6 milliards), mais également sur celles de contenus musicaux et vidéos (2 milliards). Un dernier milliard devrait être réalisé via des accords annexes, dont un reversement financier effectué par AT&T pour dédommager Apple, qui a pris en charge la majorité du marketing autour de l'iPhone.

      Dans le détail, le cabinet estime que seul 1% des Américains serait intéressé par l'iPhone à 500 dollars. Cependant Apple devrait vendre 5 à 6 millions d'iPhone aux États-Unis et en Europe d'ici à la fin 2008. Entre 2 et 3 millions d'unités entre sa sortie ce 29 juin et la fin de l'année outre-Atlantique. Enfin rien que le jour de sortie, ce sont 420.000 unités qui devraient être vendues. De quoi atteindre 4 % de parts de marché d'ici fin 2008 sur le marché Nord Américain et 10% en 2010.

 

QUESTIONS

 

1°) Distinguer ce que produisent habituellement le fabricant du combiné téléphonique et l’opérateur de téléphonie ? En quoi l’iPhone modifie-t-il cette spécialisation traditionnelle ?

2°) Qu’est-ce qui relève dans l’iPhone de l’innovation de produit et de l’innovation de procédé ?

3°) Comment Apple a-t-il amélioré les marges faites sur la vente des combinés ?

4°) Expliquer la phrase soulignée.

5°) L’iphone est-il destiné à devenir un produit de consommation de masse ? Les marges attendues viendront-elles des marges unitaires ou des quantités vendues ?

6°) Montrer comment Apple rend sa clientèle captive.